Mac. 12, 43-46 / Apoc. 21, 1-7 / Jn 6, 37-40
« Là où l’être apparaît, apparaît aussi le problème de la mort. » C’est pourquoi les hommes préfèrent souvent le monde des apparences, le monde virtuel, à la réalité. En tant que chrétiens, nous n’échappons pas à cette tentation. Selon Benoît XVI, la crise de l’Église vient de là : faits pour la joie, nous ne trouvons ni dans le monde ni dans notre condition humaine de quoi vraiment nous réjouir. Alors, nous nous réfugions dans une joie superficielle qui masque un vide intérieur. Nous devenons des marionnettes dans une mascarade tragique. Même la liturgie n’échappe pas à cette dérive.
La sainte Messe n’est pas une fête humaine dont la réussite dépendrait de la « créativité » de ses organisateurs. Elle est la célébration de la mort et de la résurrection du Christ. Elle est fête, oui, mais une fête qui a coûté la mort du Fils de Dieu. La joie qu’elle promet suppose d’entrer d’abord dans ce mystère de mort. Voilà ce qui nous est demandé pour entrer vraiment dans la célébration de la Messe.
Le monde a un besoin urgent d’hommes entièrement voués au mystère de l’Eucharistie. Voilà la place des moines. Les moines ne sont pas des gens qui cherchent une vie tranquille et équilibrée, à l’abri des remous de ce monde. Ils sont des hommes qui acceptent d’entrer dans le mystère de la mort du Christ pour entrer dans le mystère de sa Vie et pouvoir la communiquer.
Cela demande une foi forte, semblable à celle de Juda Macchabée, le premier dont la Bible rapporte qu’il offrit un sacrifice pour les morts. Il a cru que la prière pouvait rejoindre les défunts et hâter leur purification. C’est ce même courage de la foi qui nous est demandé : celui d’offrir notre vie, silencieusement, pour que d’autres aient part à la Vie. « À tout instant j’expose ma vie », chantons-nous dans le psaume 118. Cette parole s’applique d’abord à Notre Seigneur. Il veut la faire vivre en ceux qui sont prêts à Lui céder la place, comme Lui-même l’a cédée au Père : « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. »
Voici le véritable combat : « Père, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » C’est cette mort à nous-mêmes qui nous permet d’entrer pleinement dans le mystère de l’Eucharistie, dans le mystère de la vraie Vie.
Certes, la Messe a toujours une valeur infinie de rédemption. Mais ce trésor doit être acheminé vers les hommes de notre temps, vers les fidèles défunts qui ne peuvent plus y puiser sans notre concours. Là est notre place, là est notre rôle.
Le combat spirituel ne fait pas de nous des gens ambitieux. Son seul but est de nous rendre semblables à cet âne aveugle dont parle Camus, qui « patiemment, pendant des années, tourne autour de la noria, endurant les coups, la nature féroce, le soleil, les mouches, endurant encore — et de cette lente avancée en rond, apparemment stérile, monotone, douloureuse, les eaux jaillissent inlassablement… »
« Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux : la mort ne sera plus ;il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance : ce qui était en premier s’en est allé. » (Apoc. 21, 4) Amen.