33e dimanche du Temps Ordinaire / Année C

Ceux qui le regardaient de loin détournaient les yeux, éblouis par son éclat.

Cette phrase ne parle pas de Moïse descendant du Mont Horeb. C’est la description du Temple de Jérusalem au lever du soleil. Nous la devons à Flavius Joseph, historien juif du Ier siècle. La façade du sanctuaire était largement recouverte d’or. Les immenses blocs, alors dans toute leur blancheur, étaient ajustés si exactement, raconte l’historien, qu’on discernait à peine les joints. Sol et colonnes étaient plaqués de marbres miroitants. Depuis la pente du Mont des Oliviers, située à l’est du Temple, c’est-à-dire du côté du soleil levant, il y avait de quoi en être ébahi. Notamment pour un pêcheur du lac de Tibériade. Pierre serait le questionneur du moment de la destruction du Temple, selon saint Marc.

Jésus aurait pu le rabrouer… qu’est-ce que la destruction du Temple, qui surviendra 40 ans plus tard, en comparaison de ce qui l’attend, lui, le Fils de Dieu, dans trois jours ? Et qu’est-ce que cette réverbération sur le marbre, en comparaison de la lumière dont Pierre a été témoin sur le Thabor ?

Mais Jésus ne s’emporte pas, il donne les « signes » qu’on lui réclame, sans préciser s’ils concernent la fin du Temple ou la fin des temps. Il semble vouloir relier ces deux moments. Le Temple, il s’est déjà identifié à lui : « Détruisez ce sanctuaire, en trois jours, je le relèverai. » En disant maintenant qu’il n’en restera pas pierre sur pierre, pensait-t-il à sa propre chair, dont le fouet plombé des Romains ne laissera rien d’intact ? Les signes avant-coureurs qu’il énumère sont surprenants car ils renvoient à la constante disposition de ce monde à travers les siècles : guerres, catastrophes, épidémies. Jésus semble ainsi dire que tous les hommes ses contemporains, jusqu’à nous, appartiennent à la même génération, celle de la fin des temps.

Pour mieux comprendre son propos, il y a une clé, qui est le petit mot « fin ». « Fin », au-delà d’un simple moment, indique la finalité. Et cette finalité, qu’est-elle, sinon Jésus lui-même, mort et ressuscité, rendu présent à chaque Eucharistie. Par la Messe, à travers les siècles, nous touchons au but, nous touchons le Christ. L’évènement de sa mort et de sa résurrection a ouvert une brèche dans l’histoire de l’humanité.

A quoi bon spéculer sur l’avenir, seul compte désormais le plein déploiement du mystère pascal dans chacun des membres du corps mystique du Christ. Toutes les calamités et persécutions, drames visibles ou intimes, y contribuent, faisant passer le corps là où la tête est passée : passage que Jésus était alors sur le point d’inaugurer historiquement, et qui s’achèvera à son Avènement final, la Parousie.

Il y a là quelque chose de vertigineux. Aucun acte humain n’aura autant d’intensité et de conséquences que celui que Jésus s’apprête à poser. C’est un acte divin. Les préparatifs habituels de la Pâque juive ne laissaient rien présager de cette densité. Comment n’être pas en décalage ? Comment les disciples pouvaient-ils entrer de plain-pied dans le mystère et comprendre leur Maître ? Ils contemplaient les belles pierres et les ex-voto. Et nous ?

Puissions-nous, maintenant et tout au long de notre vie monastique, éviter de nous laisser distraire par le spectaculaire, le clinquant, le mirobolant ou nos petits problèmes, nos marottes, et se redire : « Maintenant, je suis ici. Je n’ai rien d’autre à faire qu’à participer à la célébration de la sainte Messe et à chanter les louanges de Dieu durant l’office divin. Cela seul importe, et j’y suis tout entier. Et Dieu est ici avec moi, au milieu de nous, lui, notre avenir, notre bonheur durable et profond, notre finalité, notre ami. » Amen.

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