Gaudete, itero dico, gaudete1 !
Insistance surprenante qui donne le nom à ce dimanche à tel point que même la couleur violette s’atténue en rose. Pourtant, l’évangile semble rajouter une bonne couche du violet en parlant d’une double épreuve sur le chemin qui prépare à la rencontre du Seigneur : la difficulté de saisir le message prophétique du Baptiste dans sa réalisation concrète tant pour ceux qui le suivent que pour celui qui l’annonce.
L’appel de St Jean Baptiste est plus qu’une simple curiosité pieuse dans le désert ou un spectacle liturgique. Il s’agit de l’appel à la conversion avant la rencontrer du Seigneur. Conversion qui n’est pas seulement instantanée mais se prolonge et comprend des épreuves telle cette vérification : êtes-vous vraiment sur le chemin de conversion ? Êtes-vous toujours sur le chemin de conversion ?
La conversion est chère aux moines. N’en font-ils pas un vœux ? Alors, nécessairement, un jour, vient la question : Qu’êtes-vous allés voir au monastère? Qu’êtes-vous allés y chercher ? Des hommes impeccables et sans défauts ? Il sont au Ciel. Ou bien ceux qui mène une vie tranquille où ne les dérange que le repas qui arrive ?
Alors, qu’êtes-vous allés voir au monastère?
« Voici que j’envoie mon messager en avant de toi pour te préparer le chemin. » Oui, le chemin, pas encore son terme, pour cheminer à la voix du messager. Mais quel messager ? St Benoît ? Votre P. Abbé ou votre P. Maître ? Mais quelle difficulté de saisir leur message ! Le doute s’infiltre.
Même St JB doute : « Es-tu Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Celui qui est né et même choisi dès avant sa naissance pour annoncer la venue du Messie et pour le désigner, comment peut-il poser une telle question ? Celui qui a suscité un énorme mouvement et motivé des foules venant le voir au désert et se faire baptiser par lui, comment peut-il douter ainsi ? N’est-ce pas l’un des plus grands échecs de l’histoire sainte et de sa propre histoire ?
Or, avant d’avoir le temps de répondre, un murmure frappe l’oreille : « Est-ce que la vie monastique garde encore sa valeur ou devons-nous en chercher une autre?
L’épreuve vécue par Saint JB, serait-elle plus commune qu’il ne semble ? Au-delà d’une simple rhétorique, la question devient vite sérieuse quand certaines difficultés inattendues se présentent dans la vie monastique. Difficultés qui, normalement, ne devraient pas y apparaître, et dont chacun a une liste, n’est-ce pas ?
Pourquoi la réalité peut sembler si éloignée, voire décevante par rapport à la vie telle qu’elle nous a été présentée ou annoncée ?
Malgré le charisme de prophétie, la mission particulière qui lui a été confiée, et le fait d’être le plus grand des enfants des hommes, st JB n’a pas été soustrait au régime de la foi et à la croissance en sagesse et en grâce. Au contraire, et probablement plus que les autres. Il devait marcher lui-même sur le chemin qu’il préparait, passer de l’annonce à la réalité. Sur ce chemin, les épreuves l’ont fait grandir. Mais leur bienfait n’enlève rien de leur pénibilité. Les ténèbres de la prison d’Hérode, le doute sur ce que lui-même a annoncé et vu, épreuves physique et spirituelle à la taille du Précurseur du Christ, sont quelques-unes des épreuves qui ont fait le lui, avec la grâce de Dieu, le plus grand parmi les enfants des hommes.
Alors quand les épreuves apparaissent, les doutes peut-être, tels les disciples de St JB, écoutez et voyez autour de vous. Vous pouvez alors apercevoir les miracles quotidiens qui se font à l’abri des regards derrière les hauts murs de clôture, miracles si discrets qu’ils échappent même à la plupart des habitants de ces murs trop pris par leur propres épreuves et doutes. La vie qui selon certaines prédictions devait disparaître depuis fort longtemps, qui à maintes reprises fut réprimée et attaquée, continue à exister et à fructifier, et elle est toujours une cause de notre joie. Peut-être parce que la joie dans le Seigneur, « Gaudete in Domino » va de pair avec cette autre vertu, chère aux moines et chanté dans l’introït de ce jour, que les traducteurs appellent « sérénité » mais qui peut se traduire aussi par : modestie. Modestia vestra nota sit omnibus hominibus. Elle est certainement d’une excellente compagnie pour le chemin qui prépare la rencontre avec le Seigneur.
Alors, iterum dico : Gaudete, Gaudete in Domino ! 1
- Réjouissez-vous, je le répète, réjouissez-vous ! ↩︎