La Sainte Famille / Année A

De toute éternité, Marie et Joseph ont été choisis par Dieu pour être les parents de l’enfant-Jésus et former avec Lui ce qu’on appelle la sainte famille. Jamais plus on ne verra pareille concentration de sainteté sur notre terre : la sainteté infinie du Verbe incarné, celle de sa Mère, la Vierge Marie, et celle de saint Joseph, l’époux de Marie, celui qui veilla comme un Père sur l’Enfant-Jésus.

La sainte famille ne fait qu’attester de la réalité de l’incarnation : s’incarner, cela n’a pas seulement consisté pour le Verbe de Dieu à assumer une nature humaine, mais à naître d’une femme – la Vierge Marie – et à être accueilli au sein du couple qu’elle forme avec son époux, saint Joseph, pour constituer avec eux une famille, cette réalité humaine fondamentale si nécessaire au développement de l’homme et pourtant si fragile.

Dieu, en naissant de la Vierge Marie, a bien été un nouveau-né, c’est-à-dire quelqu’un de totalement dépendant ayant tout à apprendre. S’il ne faut que quelques tentatives à un oisillon pour apprendre à voler, il n’en va pas du tout de même pour l’homme. Celui qui soutient le monde par sa puissance a dû apprendre à se tenir sur ses jambes, celui qui est la Parole même de Dieu, son Verbe, a dû apprendre à parler.

L’abaissement de Dieu est ici véritablement immense : celui qui ne dépend de personne a accepté de devenir totalement dépendant de sa créature, alors que c’est elle qui dépend en tout de Lui pour pouvoir exister. L’incarnation n’a donc pas été sans une grande dépendance de Dieu par rapport à la Vierge Marie et à saint Joseph.

L’amour divin ne fait jamais semblant. Il est cet amour qui vient partager notre condition humaine. C’est là le grand mystère du Christ, car Il est à la fois Celui qui voyait son Père avec son intelligence humaine et Celui qui est né, comme nous, inachevé, contraint par la vie à devoir croître dans son humanité sous la conduite de ses parents.

N’imaginons pas que Dieu soit né en connaissant déjà le nom de tous les êtres. Il a dû ouvrir les yeux sur un monde qu’il ne connaissait pas. Il a dû se tourner vers une mère pour lui demander : « Qu’est-ce que c’est ? ». Il y a là un grand prodige : que Dieu accepte de cheminer dans le temps comme l’un d’entre nous en devant faire l’apprentissage de la vie humaine.

Pour faire un tel apprentissage, le Verbe de Dieu a eu besoin de la Vierge Marie. Seule celle qui lui était totalement consacrée a pu veiller sur lui comme sur la prunelle de ses yeux. Il a trouvé en Marie cette être immensément bienveillant qui lui restera fidèle jusqu’au pied de la Croix. Marie a ceci d’unique : elle est celle qui a enfanté dans le temps Celui que le Père engendre depuis toujours dans l’éternité. Le Verbe de Dieu est donc à la fois son propre fils et le Fils du Père éternel.

On comprend dès lors qu’un tel enfant n’ait pas eu de père humain, car il ne convenait pas qu’il puisse avoir pour Père quelqu’un d’autre que Celui qui est son Père dans l’éternité. Il n’y a alors rien de surprenant à ce qu’il soit né de la Vierge Marie sans l’intervention d’un homme et que saint Joseph ne soit pas son vrai père.

Mais cela ne diminue en rien la grandeur de saint Joseph, car saint Joseph s’inscrit pleinement dans la lignée d’Abraham, de ces hommes qui ont su marquer l’histoire sainte par la grandeur de leur foi, par l’ouverture totale de leur cœur au Dieu qui tient toujours ses promesses.

C’est en raison de sa foi en Dieu que saint Joseph a pu prendre Marie chez lui et veiller comme un père sur cet enfant qui n’était pas le sien. Il est devenu ainsi le protecteur du Verbe incarné et de sa Mère, mission unique qui ne se répétera pas.

Marie et Joseph ont bien joué un rôle irremplaçable dans l’histoire du salut, car c’est à eux que Dieu a confié le soin et l’éducation de son Fils unique venu parmi nous pour être notre sauveur. Mission grandiose, car tout ce qu’ils ont fait en tant que parents pour l’enfant-Jésus, ils l’ont fait à Dieu lui-même. En s’attachant à lui, c’est bien au Verbe de Dieu qu’ils se sont attachés.

Marie et Joseph ont tous deux vécus dans la foi. Ils ne voyaient pas la divinité de leur enfant. Dieu était caché dans l’enfant Jésus comme Il est caché aujourd’hui dans l’Eucharistie et dans notre âme. Ils ont donc dû apprendre à cheminer dans l’obscurité de la foi et à entrer peu à peu dans le dessein de Dieu sur eux.

C’est ainsi qu’ils ont pu collaborer de si près au mystère de l’incarnation. Leur mission n’a pas été de porter la bonne nouvelle de l’Evangile jusqu’aux extrémités de la terre, comme les apôtres, mais de veiller sur la croissance humaine de Celui qui est venu dans notre monde pour faire de l’humanité une seule famille.

Foi, humilité, don de soi, effacement devant la mission reçue de Dieu, voilà ce qui fait que la vie de Marie et de Joseph demeure un modèle pour les moines que nous sommes, car les attitudes spirituelles qui ont été les leurs constituent encore aujourd’hui l’unique chemin vers la sainteté. Amen.

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