3e dimanche du Carême / année A

Puisque la grâce est le principe de notre salut, le souci de la mériter, pour nous et pour les autres, devrait être le moteur de nos existences. Or les lectures que nous venons d’entendre sont une parfaite illustration de la façon dont Dieu irrigue les âmes de sa grâce.

Un jour, Dieu amène son peuple à Massa – c’est-à-dire « épreuve » : l’endroit est désert, l’attente trop longue, on meurt de soif… De là quelques pas suffisent et on arrive à Mériba – c’est-à-dire « querelle ». Moise se plaint de sa violence : « Encore un peu, et ils me lapideront ! » Le plus déroutant est que c’est Dieu qui suscite cette épreuve. Pour y mettre fin, il fallait frapper le rocher afin que jaillisse l’eau. Or les coups ne manquent à personne. La vie nous frappe, ébrèche, parfois brise. Saurons-nous les accepter comme permis par Dieu afin que la grâce jaillisse en nous ? Encore faut-il discerner si ces coups tombent sur nous ou bien sur les cruches que nous transportons. En effet, Dieu veut nous en défaire, car, au lieu de ces vases malpropres, Il veut nous donner de l’eau vive.

Voilà pourquoi l’évangile précise que, dans l’épreuve, il ne faut pas être seul. Ni le respect des usages religieux, ni le bon sens, ni même un cœur assoiffé d’amour n’ont permis à la Samaritaine de sortir des problèmes où elle s’enlisait. En même temps, n’importe qui n’aurait pas pu l’en libérer. Aucun de ses six compagnons ne l’a fait. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas établi une vraie relation, car elle implique d’aborder honnêtement de réels problèmes. Ils sont restés en surface, ont préférant une tranquillité apparente et leur propre plaisir. Or cela ne dure jamais longtemps.

Heureusement que notre Seigneur, animé d’un vrai amour, veut bien en prendre soin. Que fait-il ? Déjà, il s’adresse à elle, une femme, et de surcroît samaritaine. Peu lui importe de transgresser ainsi les conventions de son époque et qu’aux yeux de ses compatriotes, il mériterait, sinon d’être lapidé, du moins exclu de la société. D’où la perplexité de ses disciples. D’ailleurs beaucoup l’abandonneront pour des raisons qui se voulaient respectables. Le Christ fait aussi appel à la conscience de cette femme en évoquant ses expériences conjugales peu glorieuses. Et comme si cela ne suffisait pas, les réponses de Jésus la dépassent, l’amènent constamment ailleurs, plus haut qu’elle ne voudrait. Comment a-t-elle donc fait pour ne pas exploser de colère contre cet inconnu ? C’est simple ! Il lui a suffi de ne pas s’identifier – comme nous faisons si souvent – à sa cruche. Elle avait l’intelligence de ce que les paroles de Jésus voulaient la libérer en brisant ce qui l’entravait. Voilà pourquoi elle s’attache à lui au point de lui amener d’autres disciples. Car, au fond d’elle-même, elle aspirait déjà à servir Dieu en esprit et vérité : en vérité sur elle-même, et dans un esprit d’abandon.

Reste à reconnaître que nos dispositions ne sont pas toujours à la hauteur. Alors tournons-nous vers la source de la grâce. Saint Paul nous l’indique : « C’est notre Seigneur Jésus-Christ… mort pour nous. » Nous sommes alors les mieux placés pour en recueillir les fruits car, dans quelques instants, nous entrerons dans la célébration eucharistique, où nous serons rendus présents du sacrifice rédempteur du Christ, source jaillissant pour la vie éternelle.

Que la Médiatrice de toutes les grâces nous aide à laisser tomber nos cruches et nous apprenne à puiser à cette source à pleines mains. Amen.

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