Sept-Fons (Allier)
Il faut lever très haut la tête pour l’apercevoir. À 35 mètres du sol, soit la hauteur de l’Arc de Triomphe parisien, une silhouette bleue aux reflets dorés se dresse fièrement au sommet du plus grand séquoia de l’abbaye cistercienne de Sept-Fons. Depuis bientôt un an, cette Vierge de Pontmain de 2,50 mètres veille sur la communauté monastique. Elle intrigue les motards de passage sur la route départementale.

« Elle est visible de très loin, même de la route de l’extérieur de la clôture. Il y a même des routiers, des motards qui l’aperçoivent parfois, qui se demandent ce que c’est », raconte Frère Dismas avec un sourire amusé. Ce moine aux yeux pétillants fut l’un des artisans de cette installation hors du commun. Elle a été réalisée le 16 juillet 2024, jour de Notre-Dame du Mont Carmel.
Une ascension périlleuse
L’aventure commence par un défi technique de taille. Comment hisser une statue de bois de plus de deux mètres au sommet d’un géant végétal ? « On a construit une Vierge qui mesure à peu près 2,50 mètres en bois. On l’a peinte en bleu, on a accroché des étoiles dorées dessus. Puis on l’a hissée à l’aide de cordes », détaille Frère Dismas.

« On a grimpé avec Père Antoine, et à l’aide de cordes, des scouts et des frères qui étaient au pied de l’arbre ont hissé la statue jusqu’en haut, où on l’a accrochée. » Un spectacle peu commun dans l’univers feutré d’une abbaye cistercienne, où moines et scouts conjuguent leurs efforts dans une chorégraphie verticale de 35 mètres.

Aujourd’hui, un an plus tard, la statue tient bon face aux intempéries et aux vents d’Auvergne. « Elle est fixée depuis bientôt un an », confirme le moine, non sans une pointe de fierté.
Au plus haut, ce qui compte le plus
Mais pourquoi ce geste spectaculaire dans une communauté vouée à la discrétion ? « C’est un geste qui est assez gratuit, parce que ça n’a pas d’utilité pratique », reconnaît Frère Dismas. Puis il précise sa pensée : « C’est simplement mettre au plus haut point du monastère ce qui nous tient le plus à cœur. Là où est ton trésor, là est ton cœur. Donc la Vierge Marie, on va la mettre au plus haut. »

Cette élévation n’est pas anodine dans l’architecture spirituelle du lieu. « Le séquoia dépasse le clocher, et puis comme la Vierge Marie est notre Reine, on a voulu la mettre au plus haut de l’abbaye », explique le religieux. Un choix symbolique fort qui fait de cette Vierge la gardienne suprême de Sept-Fons.

Les mystères de Pontmain
Le choix de Notre-Dame de Pontmain n’est pas le fruit du hasard. Cette apparition mariale de 1871 en Mayenne résonne particulièrement chez les cisterciens de l’Allier. « La Vierge de Pontmain veille sur Sept-Fons d’une manière particulière », assure Frère Dismas. « Son apparition nous touche et touche profondément à ce qui fait le cœur de notre vie, de notre vocation. »
Le message de Pontmain épouse parfaitement la spiritualité monastique : « La Vierge de Pontmain a dit aux petits enfants : ‘priez, priez’. C’est un appel à la prière, et la prière est notre vocation. » Le moine poursuit sa réflexion théologique : « Plus les enfants priaient, plus les enfants chantaient le Magnificat. Ainsi, plus la Vierge Marie grandissait pour montrer qu’elle avait plus de possibilités, de pouvoir, d’influence, de beauté. »

Une lecture au réfectoire
« On a lu au réfectoire en communauté » la biographie de l’abbé Guérin par Anne Bernet, intitulée « La Simplicité et la Grâce ». « Rien que le titre est beau et parlant », apprécie Frère Dismas.
Cette lecture commune révèle la finesse de la spiritualité pontmainaise : « Le curé lui-même n’a pas vu la Vierge, mais quand elle apparaissait dans le ciel, il y avait quatre cierges qui l’encadraient. Ce qui faisait référence aux quatre cierges qu’il allumait lui-même chaque soir quand il priait la Vierge. On voit le lien et l’attachement qu’il avait à la Vierge. »
Aujourd’hui, depuis son promontoire de 35 mètres, la Vierge de Pontmain continue de veiller sur l’abbaye de Sept-Fons. Visible de loin, elle interpelle les passants et rassure les moines. Dans ce dialogue permanent entre ciel et terre, entre tradition et audace, cette statue au sommet d’un séquoia illustre parfaitement l’esprit cistercien. C’est une foi enracinée qui n’hésite pas à prendre de la hauteur.
P.-A. M.